Actes du colloque Artmedia VIII : de l'esthétique de la communication au Net art, Leonardo/Olats <http://www.olats.org/projetpart/artmedia/2002/actes.html>, 2002. A paraitre: Ligeia, printemps 2003.



L'artde la téléprésence et l'art transgénique

EduardoKAC

Depuis douze ans, je travaille sur les systèmes de télécommunicationen tant que forme d'art, particulièrement avec des médiasaccessibles tels que minitel, fax et télévision àbalayage lent (slow scan). Depuis 1989, en collaboration avec Ed Bennett,je développe ce que j'appelle l'art de la téléprésence,fondé sur des explorations uniques de la télérobotique.Le mot téléprésence se réfère àl'expérience sensorielle de sa propre présence dans un espacedistant (et non à la sensation de la présence à distancede quelqu'un d'autre, comme c'est souvent le cas au téléphone).Je développe également des installations télématiquesqui fusionnent les espaces virtuels et physiques dans une relation d'interdépendance.A la poursuite de nouvelles possibilités esthétiques, j'aiépousé deux stratégies, qui sont l'hybridation destechnologies et l'exploration des aspects cachés du nouveau paysagedes médias. De cette façon, j'utilise les médias detélécommunication pour faire imploser leur logique unidirectionnelleet créer, dans le domaine du réel, un nouveau genre d'expériencedonnant priorité aux propositions démocratiques et aux dialogues.

En 1989, j'ai développé avec Ed Bennett le télérobotOrnitorrinco (ce qui veut dire ornithorynque en portugais), entièrementmobile et sans fil, conçu à l'origine pour créer desexpériences artistiques de téléprésence surle réseau téléphonique accessible et familier. Leparticipant, dans le lieu 1, pousse des boutons sur le clavier de téléphonepour faire bouger le télérobot dans le lieu 2 en temps réel.J'ai transformé le clavier du téléphone en grillecartésienne, de façon à ce que, lorsque vous appuyezsur le numéro 2, vous vous déplacez vers l'avant dans unespace distant en temps réel. Quand vous poussez les numérosun, quatre et sept, vous tournez à gauche. Quand vous touchez lesnuméros 3, 6 et 9, vous tournez à droite. Avec la touche8, vous pouvez vous déplacer en arrière. La touche 5 vouspermet de vous arrêter au milieu d'un mouvement, et aussi de saisiret de transmettre à vous-même une image actuelle de l'espacedistant, du point de vue du télérobot.

Les espaces distants d'Ornitorrinco ont toujours étéconstruits à l'échelle du télérobot, invitantainsi les spectateurs à abandonner temporairement l'échellehumaine et à regarder un monde nouveau à partir d'une perspectiveautre que la leur. De quatre-vingt-neuf à quatre-vingt-treize, j'aicréé plusieurs �uvres de téléprésence,dont Ornitorrinco à Copacabana (Ornitorrinco in Copacabana)et Ornitorrinco sur la Lune (Ornintorrinco on the Moon),avec Ed Bennett. Au cours de notre événement internationalde téléprésence, Ornitorrinco au Paradis (Ornintorrincoin Eden), réalisé en quatre-vingt-quatorze, nous avonshybridé Internet avec la télérobotique, les espacesphysiques, le réseau téléphonique, le systèmecellulaire parallèle et la vidéo numérique. Cela apermis aux participants à distance de décider où ilsallaient, ce qu'ils voyaient dans un espace distant via Internet. Danscette �uvre, les participants anonymes ont partagé simultanémentle corps du télérobot, le contrôlant ensemble et regardanten même temps à travers son regard. Les participants recevaientdes vidéos numériques via Internet à partir du pointde vue d'Ornitorrinco, et utilisaient le réseau téléphoniquepour transmettre des signaux de contrôle en temps réel. Puisqu'Ornitorrincoest entièrement mobile et sans fil, il se déplaçaitlibrement dans l'espace. Cette �uvre avait trois n�uds de contrôleaux Etats-Unis (à Seattle, Lexington et Chicago), et de nombreuxn�uds visuels sur Internet autour du monde (en Allemagne, Finlande, Irlande,Canada, et dans beaucoup d'autres pays).

Toujours en 94, j'ai créé en collaboration avec Ikuo Nakamuraune �uvre intitulée Essai concernant la compréhensionhumaine (Essay Concerning Human Understanding). Dans cette �uvre,un oiseau en cage dialogue avec une plante qui se trouve à millekilomètres en utilisant une ligne téléphonique régulière.Placé au milieu du Centre d'art contemporain à Lexington,dans le Kentucky, le canari jaune se trouvait dans une cage cylindriqueblanche, à la fois grande et confortable, au sommet de laquelleétaient installés des cartes électroniques, un haut-parleuret un microphone. Un disque transparent de plexiglas séparait lecanari de l'équipement relié au réseau téléphonique.A New York, au Hall des sciences, une électrode était placéesur une feuille de la plante pour enregistrer ses réactions au chantde l'oiseau. La fluctuation du voltage de la plante était surveilléepar un logiciel Macintosh appelé Interactive Brain-Wave Analyzer(Analyseur interactif d'ondes cérébrales). Les informationsrecueillies étaient introduites dans un autre Macintosh opérantun programme appelé Max, contrôlant un clavier Midi. Les sonsélectroniques étaient préenregistrés, maisl'ordre et la durée déterminés en temps réelpar les réactions de la plante au chant de l'oiseau.

Quand cette �uvre fut présentée au public, l'oiseau etla plante réagissaient mutuellement plusieurs heures chaque jour.Les humains aussi réagissaient réciproquement avec l'oiseauet la plante. En se tenant près de la plante et de l'oiseau, ilsmodifiaient immédiatement leur comportement. Quand les humains étaienttout proches, l'interaction était davantage accrue par les changementsconstants de comportement de l'oiseau et de la plante. Ils réagissaienten chantant encore plus, en activant d'autres sons, ou en gardant le silence.

Je pense que cette �uvre est une évocation de la solitude humaine: un animal captif s'adresse à une plante par téléphone,le canari chante espérant une compagne ; à la place, au boutdu fil, un membre d'une autre espèce, loin de lui. S'agit-il vraimentde communication ? Il est clair qu'une augmentation quantitative des moyensde communication ne se traduit pas en un changement qualitatif des communicationsentre personnes.

En 96, mon �uvre Rara Avis, installation de téléprésencereliant par réseau une volière à Internet, au Web,et au MBone, fut présentée à Atlanta dans le cadredu Festival olympique d'arts. Réalisée au Centre d'art contemporainNexus d'Atlanta, dans le courant de l'été 96, Rara Avisétait placée sous la direction technique d'Ed Bennett.Portant un casque stéréoscopique, la spectatrice percevaitla volière, et pouvait s'observer dans cette situation, du pointde vue de l'ara. L'installation était constamment reliéeà Internet. A travers le net, les participants à distanceobservaient la volière du point de vue de l'ara télérobotique,ils utilisaient leurs microphones pour déclencher le dispositifvocal de l'ara télérobotique, entendu dans la galerie. Lecorps de l'ara télérobotique était investi en tempsréel par les participants qui se trouvaient sur place et les participantsvia Internet du monde entier. Les sons contenus dans l'espace, mélangede voix humaines et de chants d'oiseaux, se propageaient jusqu'aux participantsà distance, à travers Internet. L'�uvre peut être perçuecomme une critique de la notion problématique d'exotisme, conceptqui révèle plus de choses sur la relativité des contexteset la conscience limitée de l'observateur que sur le statut culturelde l'objet d'observation. Cette image du différent, de l'autre,incarnée par l'ara télérobotique, était dramatiséepar le fait que le participant adoptait momentanément le point devue de l'oiseau rare.

Cette �uvre créait un système autorégulateur dedépendance réciproque, dans lequel les participants locaux,les animaux, un télérobot, et les participants à distance,réagissaient réciproquement sans direction, ni contrôle,ni intervention extérieure. Comme l'�uvre mélangeait entitésphysiques et non-physiques, elle fusionnait les phénomènesperceptuels immédiats avec une conscience accrue de ce qui nousaffecte, mais qui est absent du champ visuel et éloigné.Les participants locaux et en ligne ont éprouvé l'espacede façon complexe et différente. L'écologie localede la volière était affectée par l'écologieInternet et vice-versa.

Mon intérêt pour la création de systèmesinterdépendants autorégulateurs, simultanément dansles espaces virtuels et physiques, m'a conduit à créer mon�uvre suivante, produite juste après les Jeux olympiques. L'�uvreétait intitulée Téléportation d'un étatinconnu (Teleporting an Unknown State), et fut exposéedans le cadre du Siggraph Art Show de 96, au Centre d'art contemporainde la Nouvelle-Orléans. Cette �uvre reliait le Centre d'art contemporain,à la Nouvelle-Orléans, à l'espace sans lieu d'Internet.Dans la galerie, le spectateur voyait une installation : de la lumière,projetée à partir d'un cercle se trouvant au plafond, rompaitl'obscurité ambiante et atteignait un piédestal, oùspectateurs et participants découvraient une seule graine. De sitesdistants répartis autour du monde, des individus anonymes pointèrentleurs caméras numériques vers le ciel et transmirent la lumièredu soleil à la galerie. Les photons saisis par les camérasétaient ré émis dans la galerie à travers leplafond. Un projecteur vidéo dissimulé, servant de sortiepour la liaison Internet, projetait contre le carré de terre l'interfacedématérialisée d'un Macintosh avec un fond sombre,de façon à ce que la plante n'utilise pour pousser que lalumière lui parvenant en direct par vidéo numérique.Les images vidéos transmises de pays lointains étaient dépourvuesde contenu représentationnel, et utilisées comme conducteursde véritables vagues de lumière. Le processus de la naissance,de la croissance, et de la mort possible, de la plante était diffuséen direct au monde entier via Internet tout au long de l'exposition. Tousles participants pouvaient observer le processus. Après l'exposition,j'ai replanté l'organisme vivant (qui avait atteint la taille desoixante centimètres) près d'un arbre à l'extérieurdu Centre d'art.

Grâce à la collaboration d'individus anonymes, des photonsémis à partir de villes et pays lointains furent téléportésjusqu'à la galerie et utilisés pour donner vie à uneplante petite et fragile. Les participants partageaient la responsabilitéde prendre soin de cette plante du début à la fin de l'exposition.Cette �uvre était fondée sur un renversement de la topologiehabituelle de transmission, où l'information est transmise par unindividu vers de nombreuses personnes. Dans l'�uvre Teleporting an UnknownState, la lumière était transmise par plusieurs personnesvers un même et unique objet. L'�uvre mettait en évidencel'utilisation potentielle du net pour distribuer des ressources naturellesvers les endroits qui en ont le plus besoin, et donnait au réseauun sens de responsabilité sociale collective et de systèmeau service du maintien de la vie.

Toujours en 96, j'ai participé (avec Ed Bennett) à laQuatrième Biennale de Saint-Pétersbourg, en Russie, avecun événement dialogique de téléprésenceintitulé Ornitorrinco dans le Sahara (Ornitorrinco inSahara), reliant Saint-Pétersbourg à deux sites se trouvantà Chicago. Le terme "événement dialogique de téléprésence"se réfère à un dialogue entre deux participants éloignésréagissant réciproquement dans un lieu tiers à traversdeux corps autres que les leurs. L'un des directeurs de la Biennale deSaint-Pétersbourg, Dimitri Choubine, a utilisé un vidéophonenoir et blanc pour contrôler (à partir du Musée d'histoirede Saint-Pétersbourg) le télérobot sans fil Ornitorrinco(situé à l'Ecole de l'Institut d'Art à Chicago) etpour recevoir des réactions (sous forme d'images vidéos séquentielles)du point de vue du télérobot. Au même moment, mon proprecorps était enveloppé dans un vêtement de téléprésencesans fil qui m'a transformé en télécyborg, ou téléborg,aveugle. Le corps humain dépossédé était contrôlé,par liaison téléphonique seulement, par l'artiste et historienned'art Simone Osthoff de la galerie Aldo Castillo. L'alimentation vidéoen couleur du corps humain était transmise en direct vers un autreespace se trouvant dans le même immeuble du centre ville de Chicago,permettant aux spectateurs locaux, surpris et non au courant de la situation,d'assister à l'expérience dialogique en temps réel.Pendant l'événement, alors que télérobot ettéléborg étaient contrôlés à distance,s'est déroulée une situation dialogique unique. Alors queSimone Osthoff contrôlait le comportement de mon corps, je craignaisle moment où j'allais heurter un mur ou un pilier, me retrouveraccidentellement dans l'ascenseur, ou me heurter contre un passant ou letélérobot. Oshtoff, qui était aussi momentanémentaveugle et pleine d'égards envers ma privation sensorielle, me parlaitdoucement et faisait des pauses intermittentes, commandant le corps avecprudence. Au début, Choubine, qui n'avait nullement conscience dece qu'il contemplait, alternait le comportement de son hôte télérobotiquepour se propulser lui-même le long du couloir et naviguer dans d'autresparties de l'espace et pour engager le téléborg directement.Parfois, il y eut contact physique entre le télérobot etle téléborg.

La dernière pièce que j'ai présentée (avecEd Bennett) en 96 était une installation de téléprésenceen réseau intitulée Ornintorrinco, le webot, voyage autourdu monde en quatre-vingts nanosecondes, de la Turquie au Pérou etretour (Ornitorrinco, the Webot, travels around the world in eightynanoseconds going from Turkey to Peru and back). Cette �uvre fut présentéedans le cadre de l'exposition d'art robotique "Métamachines : oùse trouve le corps ?", réalisée à la galerie Otso,à Espoo, en Finlande, et faisait partie du Festival MuuMedia.

Cette installation était divisée entre deux espaces distants,reliés au web. Le public avait accès au rez-de-chausséede la galerie Otso, alors qu'Ornitorrinco, le webot, naviguait dansson nid, à l'étage inférieur. Le public pouvait aussiabandonner le contrôle du corps du robot et descendre pour agir réciproquementavec le webot et les deux dindes vivantes. Ce qui était vu dansl'espace supérieur -- la page (interface) du web avec des réactionsvidéo couleurs en direct et en temps réel -- étaitpartagé sur le web avec des spectateurs lointains, sous forme d'imagescouleur séquentielles. Les éléments constituant lenid du webot et des dindes forment un commentaire métacritique,et parfois humoristique, de l'état actuel du développementdu web. L'espace était surmonté d'un filet de mailles grossièresenveloppant le tout. Répartis à travers l'espace, des graffitidirectionnels, telles des flèches indiquant "Tournez à gauche"et "Par ici" (toutes deux pointant en direction d'un coin) offraient uncommentaire humoristique sur la métaphore de l'inforoute. Coexistantet agissant réciproquement avec Ornintorrinco dans le mêmeespace, deux dindes, oiseaux réputés pour ne pas êtredes plus intelligents, s'occupaient simultanément de leurs affaires,représentant la sottise des technophobes et l'apathie des technophiles.Les dindes résonnaient aussi, d'une manière subtile et comique,avec les mots Turquie et Pérou du titre : ces deux mots représententdes pays différents et le même oiseau, le premier en anglais(en anglais dinde et Turquie se disent turkey et Turkey) et le second enportugais : les deux langues que j'utilise le plus.

Depuis 1998 je développe l'art transgénique. Tel que jel'ai proposé ailleurs 1,l'art transgénique est un art nouveau qui utilise le géniegénétique pour transférer des gènes naturelsou de synthèse à un organisme, dans le but d'engendrer desêtres vivants uniques. Ceci doit être accompli avec grandeprudence, en tenant compte des problèmes complexes qui en découlentet, par-dessus tout, en s'engageant à respecter, à nourriret à aimer la vie ainsi créée.

Genesis (1999) est une �uvre transgénique qui exploreles relations complexes entre la biologie, les systèmes de croyance,les technologies de l'information, les interactions dialogiques, éthiqueset l'Internet 1.L'élément clef de l'�uvre est un "gène d'artiste",un gène synthétique que j'ai inventé et qui n'existepas dans la nature. Pour le créer, un verset du livre de la Genèsea été traduit en morse, puis le code morse a étéconverti en paires de base ADN selon un algorithme de conversion spécifiquementdéveloppé pour cette �uvre. Le verset (Gn 1, 28) dit : "Soumettezles poissons de la mer, les oiseaux du ciel et toute bête qui remuesur la terre !". Cette phrase a été choisie pour ses implicationsau regard de la notion équivoque, approuvée par dieu, dela suprématie de l'Homme sur la nature. Le code Morse, lui, a étéchoisi parce qu'employé tout d'abord en radiotélégraphie,il symbolise l'avènement de l'âge de l'information, la genèsela communication universelle.

Le processus initial de cette �uvre consiste à cloner un gènesynthétique en plasmides d'ADN, puis sa transformation en bactérie.Une nouvelle molécule de protéine est alors produite parle gène. L'�uvre utilise deux types de bactéries : des bactériesà qui on a injecté un plasmide contenant de l'ECFP (EnhancesCyan Fluorescent Protein), et d'autres portant un plasmide contenant del'EYFP (Enhanced Yellow Fluorescent Protein). L'ECFP et l'EYFP sont desdérivés du GFP (Green Fluorescent Protein) possédantdes propriétés spectrales différentes. L'ECFP émetune couleur fluorescente dans le bleu lorsqu'elle est soumise àune radiation ultraviolette à 302 nm. La bactérie ECFP contientle gène synthétique, alors que l'EYFP, soumis aux mêmesradiations, a une fluorescence dans le jaune. La bactérie àl'ECFP ne contient pas de gène synthétique. Le GFP, lui,a une fluorescence dans le vert.

Lorsque ces bactéries se développent, un certain nombrede mutations naturelles se produisent dans les plasmides. Des transfertsconjugués s'opèrent lors de contacts avec d'autres plasmides,et des combinaisons de couleurs apparaissent qui peuvent donner naissanceà des bactéries vertes. Trois scénarios sont visibleslors de la communication entre bactéries transgéniques. Dansle premier, la bactérie ECFP donne ses plasmides à la bactérieEYFP, ou réciproquement, générant une bactérieverte. Dans le second, il n'y a aucun transfert, chaque couleur, jauneet bleue, est préservée. Dans le troisième, les bactériesperdent complètement leurs plasmides, pâlissent, prennentune couleur ocre. La souche de bactéries utilisée dans Genesisest JM101. La probabilité de mutation naturelle dans cette soucheest de 1 pour un million de paires de base. Au cours de la mutation, l'informationinitialement encodée dans l'ECFP se modifie. La mutation du gènesynthétique résulte de 3 facteurs : le processus naturelde la multiplication des bactéries, l'interaction dialogique entreles bactéries, et l'activation humaine des radiations ultraviolettes.Les bactéries sélectionnées sont sauvegardéespour être utilisées en présence du public et sont placéesdans la galerie à côté de la source UV, enferméesdans un caisson transparent protecteur.

Le dispositif de visualisation en galerie permet aux participants locauxou à distance (sur le Web) de suivre l'évolution de l'�uvre.Ce dispositif est constitué d'une boîte de Petri contenantles bactéries, d'une microcaméra vidéo sur flexible,d'une lampe UV, et d'un éclairage de microscope. L'ensemble estconnecté à un vidéo projecteur et deux ordinateursen réseau. L'un est un serveur Web, diffusant en direct la vidéoet l'audio, et recueillant les requêtes d'activation UV. L'autregénère de la musique synthétique ADN. Le projecteurvidéo local projette une image agrandie de la division bactérienneet de l'interaction observée avec la microcaméro. Les participantsà distance sur le Web interfèrent dans le processus en éteignantla lumière UV. La protéine fluorescente de la bactérieréagit à la lumière UV en émettant de la lumièrevisible, cyan ou jaune. Le choc énergétique de la lumièreUV sur la bactérie rompt la séquence d'ADN dans la plasmide,augmentant le taux de mutation. De grands textes sont écrits àmême les murs droit et gauche de la salle : la phrase tiréedu livre de la genèse à droite, et le gène généréà gauche.

Au XIXe siècle, la comparaison par Champollion des langages dela pierre de Rosette (grec, écriture démotique, hiéroglyphes)fut la clef pour comprendre le passé. Aujourd'hui, le systèmetriple de Genesis (langage naturel, code ADN et logique binaire)est la clef qui ouvre la compréhension du futur. Les processus biologiquessont aujourd'hui scriptibles et programmables. Genesis explore leurcapacité à mémoriser et calculer des donnéestout comme le font les ordinateurs numériques. Pour pousser plusloin l'investigation, la phrase altérée de la Bible est décodéeen fin d'exposition et retranscrite en anglais, offrant un aperçudu processus de communication transgénique intrabactérien.La frontière entre la vie fondée sur le carbone (biologique)et les données numériques devient aussi fragile qu'une membranecellulaire.

La musique synthétique ADN originale de Genesis est composéepar Peter Gena. Elle est générée en direct dans lagalerie et diffusée en flux sur le Web. Les paramètres decette composition multi-canaux sont calculés à partir dela multiplication des bactéries et des algorithmes de mutation.

Le fil directeur de mes 20 ans de travail artistique est d'apporterune réflexion sur la communication. Les �uvres conventionnellesoffrent un message unidirectionnel au spectateur et le laissent hors dudialogue. Avec l'art transgénique, il y a une interaction "dialogique".Comme elle implique d'autres êtres vivants, l'�uvre est imprévisibleet ne peut être contrôlée.

L'art transgénique est une façon de s'exprimer non parla création d'objets mais par l'intervention à travers lesujet.


1- Eduardo Kac. "Transgenic Art", Leonardo Electronic Almanac (ISSN1071-4391), Volume 6, Number 11, 1998. 
 
©Eduardo Kac & Leonardo/Olats, décembre 2002


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