Artpress, Paris, N. 276 February 2002, p. 51.


L’art transgénique d’Eduardo Kac

Frank Popper

Eduardo Kac est un artiste dont l’œuvre s’inscrit dans un champ qui va de la mythopoétique de l’expérience on-line à l’impact culturel de la biotechnologie, du nouveau statut de la mémoire à l’ère numérique à la responsabilité collective distribuée, de la notion problématique de l’“exotique” à la création de la vie et à l’évolution.

Depuis 1994, Kac a étendu l’art télématique au domaine biologique et créé ainsi une forme d’art à laquelle il a donné le nom de biotélématique. En 1997, dans le contexte de l’œuvre A-positive, il suggérera le terme de “biorobotique”. La biorobotique propose de doter, à l’avenir, le corps des robots d’éléments biologiques qui rempliront certaines fonctions particulières. Un an plus tard, lors d’un projet qui envisageait la création - et l’intégration sociale - d’un chien vert fluorescent, il propose la notion d’art transgénique. En 1999, Kac expose pour la première fois son œuvre d’art transgénique, Genesis, à Ars Electronica à Linz; enfin, l’année suivante, il crée l’œuvre révolutionaire GFP Bunny (Green Fluorescent Protein Bunny). Cette œuvre comprend à la fois la création d’Alba, lapin transgénique avec la protéine vert fluorescent, l’intégration sociale de l’animal et le débat qui en découle. GFP Bunny a vraiment été réalisée au cours de cette anné, et aurait dû être présentée au public en Avignon. Même si l’on peut estimer que cette œuvre s’intègre dans un long courant historique visant à opérer une rencontre entre l’art et la vie, elle lui confère une connotation plus précise en le circonvenant à un événement fondé sur des facteurs biologiques, et plus particulièrement au génie génétique, aux implications culturelles et éthiques propres.

The Eighth Day (Le Huitième Jour), la toute dernière réalisation de l’art transgénique d’Eduardo Kac, offre au public l’occasion de rencontrer une spectaculaire écologie de créatures vertes fluorescentes. Cette œuvre réunit un robot biologique (biobot) connecté à l’Internet, un poisson GFP, des souris GFP, des amibes et des plantes GFP, et une vidéo et le son du flux et du reflux de l’eau en mouvement.

L’impact sur la scéne de l’art contemporain de l’art transgénique d’Eduardo Kac, et tout particulièrement de ses créations audacieuses de nouveaux animaux, a été considérable. Néanmoins, on peut aussi tenir toutes ces inventions et réalisations hardies pour des contributions décisives aux domaines de l’art de la biotechnologie et de la télécommunication, dans la mesure où elles donnent un nouveau sens capital à ce qu’on a appelé jusqu’ici le processus de création et où, simultanément, elles confèrent à l’artiste/inventeur une nouvelle responsabilité tant sociale qu’éthique.

Traduit par Pierre Camus

Frank Popper, théoricien et commissaire d’expositions, est professeur émérite de l’université Paris VIII.


The Transgenic Art of Eduardo Kac

Frank Popper

Eduardo Kac is an artist whose works deal with issues that range from the Mythopoetics of Online Experience to the cultural impact of biotechnology, from the changing condition of memory in the digital age to distributed collective agency, from the problematic notion of the “exotic” to the creation of life and evolution.

Since 1994, Kac has expanded telematic art into a biological domain, thus creating an art form which he called Biotelematics. In 1997, he proposed the term “Biorobotics” in the context of the artwork A-positive. Biorobotics proposes that, in the future, robots will have biological elements inside their bodies performing specific functions. This was followed, one year later, by the coining of the notion of Transgenic Art for a project that envisaged the creation of a green, fluorescent dog and its social integration. In 1999, Kac first presented his transgenic artwork Genesis at Ars Electronica in Linz, and again a year later, he created the revolutionary artwork GFP Bunny. This transgenic work comprises the creation of a green fluorescent rabbit named Alba, its social integration and also the ensuing debate. GFP Bunny was actually realized that year and should have been presented publicly in Avignon, France. Although this work can be considered as belonging to a long historical current that wanted to merge art and life, it gives it a more precise connotation by reducing it to an event founded on biological factors and in particular genetic engineering with its ethical and cultural implications.

The most recent development in Kac's transgenic art is represented by The Eighth Day, which provides the public with the opportunity to experience a spectacular ecology of green glowing creatures. The Eighth Day brings together a biological robot (biobot) linked to the Internet, GFP fish, GFP mice, GFP amoeba and GFP plants, and video footage and sound of the ebb and flow of moving water.

The impact of Eduardo Kac’s transgenic art, and in particular his daring creation of new animals, on the contemporary art scene has been considerable, but one can see the whole of the artist’s audacious inventions and achievements as a decisive contribution in the realm of biotechnological and telecommunication art since his works introduce a vital new meaning into what had been known as the creative process while at the same time investing the notion of the artist-inventor with an original social and ethical responsibility.


Paris, October 2001


Frank Popper has been writing about contemporary art for almost thirty years. His publications include The Origins and Developments of Kinetic Art (1968), Art Action and Participation (1975), Le Declin de L'object (1975), Electra: Electricity and Electronics in the Art of the 20th Century (1983) and Art of the Electronic Age (1993). He lives and works in Paris, France. He has organised numerous art and technology exhibitions world-wide.

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