Holopoésie

Jacques Donguy

 

Eduardo Kac, le principal théoricien de la poésie holographique, vit actuellement
aux Etats-Unis où il enseigne. Il est né à Rio en 1962 et vient de la poésie
visuelle, auteur notamment d'un "sonnet pictogramme" en 1982. Pour son
travail, il utilise les termes d'"holopoème" et d'"holopoésie". Il a travaillé à Sao
Paulo avec l'holographe Fernando Eugenio Catta-Preta, et réalisera, avec sa
collaboration et dans son laboratoire à Sao Paulo, l'hologramme poétique
"HOLO/OLHO" ("HOLO/OEIL", 1983), anagramme en miroir qu'il exposera au
Salon National des Arts Plastiques au Musée d'Art Moderne de Rio en 1984,
hologramme paronomastique qu'il a holographié plusieurs fois avec des lettres de
différentes tailles. Il va réaliser d'autres hologrammes avec Fernando
Catta-Preta, dont "ABRACADABRA", "OCO" et "ZYX", et il montera, avec 4
holopoèmes, l'exposition "HOLOPOESIA", "Holopoésie", au Musée de l'Image et
du Son à Sao Paulo en août 1985. En 1986, artiste en résidence au Musée de
l'Holographie à New York, il réalise 3 nouveaux holopoèmes, "WORDSL 1",
"WORDSL 2" (jeu sémantique entre les mots WORDS et WORLD, ou le monde
comme signe linguistique) et "CHAOS", combinant néon et holographie, qu'il
montrera à l'exposition "HOLOPOESIA 2" en 1986 à la galerie Espace Alternatif
de la Funarte à Rio.

En 1987, il réalise "QUANDO?", un holopoème fractal créé avec Ormeo Botelho
dans un cylindre de plexiglas en utilisant l'ordinateur, parlant de "fractales
holographiques" ou d'"hologrammes fractals". C'est en 1989 aussi qu'il s'installe
aux Etats-Unis. Il co-réalisera, avec Richard Kostelanetz, l'hologramme
"LILITH" en 1987/89, à partir de mots en anglais et en français, de "EL"
(Elohim) à "ELLE" et "HELL". Il commencera à travailler sur les
"Holopoèmes-ordinateur" à partir de 1987 ("Quando?"). Le deuxième fut créé à
Chicago en 1989, "MULTIPLE", à partir de "3309" et de "POEM". De 1990
date "AMALGAM", composé de 2 groupes de 2 mots, "FLOWER-VOID" et
VORTEX-FLOW" qui glissent de l'un à l'autre chaque fois que le spectateur
essaie de lire le texte. C'est aussi en 1990 qu'il aura une expositionpersonnelle à
New York (Museum of Holography), où Kostelanetz viendra, puis en 1991 à Rio,
sous le titre "Holopoemas". Il a à ce jour réalisé 23 holopoèmes.

Selon Eduardo Kac, l'espace holographique est immatériel, et l'on peut créer des
espaces paradoxaux. Les deux premiers textes théoriques qu'il a publié
s'intitulent "Les 3 dimensions du signe verbal" (1984, catalogue du Musée d'Art
Moderne de Rio) et "La rupture photonique" (revue Modulo n°86, juillet 1985,
Rio). Eduardo Kac travaille aussi sur l'interactivité du regard, sur
l'apparition/disparition du texte en fonction du déplacement du spectateur et
développe le concept d'"instabilité textuelle" et de "signe fluide", qui ne serait ni
un mot ni une image mais quelque chose en état permanent de mutation, un
espace instable, relatif à la position de l'observateur, par opposition à la page, qui
est fixe. Eduardo Kac travaille sur la fragmentation de la lettre. Il utilisera aussi
l'ordinateur, qui permet de manipuler des formes mathématiques de grande
complexité. Il est intéressé par le "langage animé qui fuit et réfléchit (deflects)
l'interprétation".




Jacques Donguy, "Poesie et Nouvelles Technologie a L'Aube du XXIème Siecle", published in Portuguese in the book A Arte no Século XXI, Diana Domingues, ed., Edusp, São Paulo, 1997, p. 260. 


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