CCP- Cahier Critique de Poésie, #16, 2008, cipM - Centre international de poésie de Marseille, pp. 269-270.


Poésie numérique

JACQUES DONGUY  

Eduardo Kac, Media Poetry, An International Anthology, Intellect, Bristol, UK/Chicago, 2007 (en anglais).                    

Une nouvelle édition augmentée du livre d’Eduardo Kac paru en 1996 New Media Poetry sous le nouveau titre Media Poetry vient de paraître, publiée cette fois-ci conjointement en Grande-Bretagne et aux USA, avec des têtes de chapitre sur la “Poésie Numérique” (“Digital Poetry”) et la “Poésie Multimédia”, traitant de l’holopoésie, de la vidéopoésie et de la biopoésie, ainsi qu’un certain nombre d’essais historiques ou critiques, dont l’un de Jean-Pierre Balpe sur la génération de texte.  Nouveau titre, parce qu’en dix ans, il y a eu accélération et extension de ce processus d’utilisation des nouveaux médias par rapport au médium dominant et exclusif au XIXe siècle, l’imprimerie ou “print technology” pour reprendre la terminologie de McLuhan.

Pour la Poésie Numérique, nous avons l’école américaine avec sa conception exclusivement typographique et puritaine du texte, donc ici un article de Jim Rosenberg sur l’hypertexte et un autre de John Cayley qui utilisait HyperCard, sinon un article d’Eduardo Kac intitulé “Du langage ASCII au Cyberspace” et d’autres articles de Philippe Bootz, d’André Vallias ou de Ladislao Pablo Györi.  Eduardo Kac parle dans sa préface du sentiment qu’il a eu très vite des “limitations de la technologie de l’imprimerie”, d’où son désir de quitter l’espace à deux dimensions et de créer des poèmes-objets en trois dimensions.  Un bon exemple est son projet OCO, au départ un holopoème en 1985, puis un poème numérique silencieux en 1990, jouant sur plusieurs niveaux de signification.  Le poème est d’abord une architecture tri-dimensionnelle avec la lettre flottante I, puis le mot OCO qui en portugais veut dire “vide”, le mot OCIO qui veut dire inactivité, indolence, le mot CIO à connotation sexuelle (“rut”) et O, l’article.  Soit l’exploration du mouvement, du déplacement, de la métamorphose par rapport au texte figé pour l’éternité sur la page imprimée. 

Le premier poème numérique d’Eduardo Kac a été conçu en 1982 et montré en 1984 sous forme de blocs de textes qui se succèdent sur l’écran.  André Vallias a commencé quant à lui en 1988 avec l’ordinateur en Allemagne et a fait des recherches sur l’espace à trois dimensions en 1990 à partir de la phrase de Mallarmé “Nous n’avons pas compris Descartes” en utilisant Director.  Jean-Pierre Balpe dans son article pose la question de l’interactivité entre par exemple le son et l’image quand le déplacement de la personne provoque un changement dans le son entendu à propos d’une pièce qu’il a réalisée avec Maurice Benayoun, “Labylogue”, labyrinthe virtuel et langage.  Dans ce type d’installations, d’autres paramètres peuvent intervenir, le nombre de personnes présentes, le temps qu’il fait, la température de la salle.  Comme il l’écrit, “les médias numériques sont constamment en mouvement”.  Enfin, Eduardo Kac évoque le poème transgénique fondé sur les quatre letres de la base génétique qui codent le vivant, soit ACGT, Adénine, Cytosine, Guanine, Thymine.


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